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Jeanne BODIN : souvenirs de l'école de Gehée (épisode 3)

Publié le par Richard Gouron

 Encore un épisode des souvenirs de Jeanne BODIN :
"Madame Méry, notre maîtresse, avait souvent des dragées offertes à l’occasion des baptêmes. Elle venait, la boite à la main, s’asseoir sur les marches, nous venions en cercle autour d’elle. Elle faisait la distribution en commençant par les plus jeunes jusqu’à ce que la boite fut vide.
Ce jour-là elle n’avait que deux dragées.
- « Je vais les donner à celles qui mangent le moins de bonbons, j’ai demandé à l’épicière. » Elle les donna à ma sœur et à moi.
    Louise avait l’habitude lorsqu’on lui donnait une friandise, de la garder pour la partager avec maman, ce qu’elle fit. Je voulus faire de même, mais moins rapide, la maîtresse s’en aperçut. Je fus grondée, je dus donc manger ma dragée. La maîtresse ajouta:
- «  j’espère qu’après cela tu vas bien travailler et ne pas faire de fautes. »
Je fis autant de fautes, sinon plus, m’attendant à des reproches.
-  « C’est parce que je t’ai donné une dragée que tu as fais autant de fautes?
    Un jour, ma sœur Marcelle, très peinée d’être séparée de nous, quitta sa place de domestique et rentra à la maison.
Madame Méry, l’institutrice, pourtant discrète, crut devoir m’en parler devant tout le monde. Résultat, toutes les familles de la commune le surent le soir même et en parlèrent sans indulgence. Pourtant, toutes avaient leurs enfants près d’elles. Nous étions les seuls à partir domestique si jeunes.
    Le lendemain, plusieurs camarades répétèrent les propos de leurs parents et voisins, me reprochant le retour pourtant très momentané de ma sœur et me dirent:
- « Et pourtant la commune vous donne du pain. » L’une  d’elle crut devoir ajouter :
- « Et son frère en fait autant »!
Devant tant d’injustice, je me récriai, défendant mon frère. Mais la fille ne voulait rien retirer de ce qu’elle croyait peut-être vrai.
Un cercle très serré se fit autour de nous. Yvonne avait pâli, prête à me défendre, elle qui pourtant ne me parlait jamais. Nous étions l’une et l’autre trop timides pour commencer. Je la vis remuer les lèvres, aucun son n’en sortit, sa pâleur me fit peur.
    Du fond de la cour, sa sœur aînée, qui avait entendu, quitta son jeu. En courant, bousculant tout le monde sur son passage, elle se fit ouvrir le cercle à coups de pieds et de poings. Elle se plaça entre nous deux et dit:
- « Son frère, je le connais, il a été quatre ans chez nous, mes parents l’estimaient, l’aimaient même, c’était un très bon domestique. Si tu recommences à parler de lui ainsi, tu auras à faire à moi. Si mon père était ici, tu aurais  sa main quelque part et son pied ailleurs. »
Et Renée, sans me regarder, sans dire un mot, retourna à son jeu. Le cercle se dispersa silencieusement et jamais plus cela ne se renouvela.
Cette intervention, cette estime d’une famille, me firent grand bien. J’avais la preuve qu’il y avait des maîtres capables de reconnaître les services d’un petit vacher, et des camarades assez honnêtes pour prendre la défense d’enfants pauvres mais bons."

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Double clic sur l'image pour voir les vues de l'école en grand. Il s'agit en plus d'extraits des cahiers d'école de Robert FINEAU. A vos commentaires...

 
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